À la veille d’entamer son programme officiel en Championnat de France des Rallyes avec Clio Rally4, le tenant du titre en Clio Trophy France Asphalte se confie sur les défis affrontés dans sa carrière naissante avant de se lancer à la poursuite d’une deuxième couronne nationale dans la catégorie deux-roues motrices avec son copilote Patrick Chiappe et Naudon Rallye Services.

Romain, comment êtes-vous arrivé en rallye ?
Mon père faisait du rallye jusqu’en 2002, donc il m’a initié dès mon plus jeune âge. Je n’avais que huit ans quand il a arrêté, donc je suis sorti de ce milieu avant d’y reprendre goût au moment d’avoir un peu plus d’autonomie. À dix-neuf ans, j’ai participé à l’opération Rallye Jeunes dans le seul but de m’amuser avec un ami. De fil en aiguille, j’ai gravi les différentes étapes jusqu’à la finale. Je crois que le fait d’y être pour le plaisir, et non la compétition, a été ma force puisque j’ai finalement gagné avec Yohan Rossel. Tout est parti de là.

Quelle a été la suite ?
C’était compliqué de commencer directement par une saison en Championnat de France Junior des Rallyes avec toutes ses difficultés et mon statut de novice. Nous étions tout de suite dans le coup avec des victoires de spéciales dès notre première épreuve, puis en remportant la dernière manche du calendrier au Var. Malgré nos erreurs, nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas s’arrêter là et nous avons poursuivi avec nos propres moyens. Il y a eu des hauts et des bas, notamment avec quelques excès de fougue ou encore une nouvelle voiture qui ne m’a pas trop réussi en 2017. Après une petite pause, j’ai rencontré Naudon Rallye Services, avec qui j’ai disputé le Rallye de Saintonge au volant d’une Clio R3T. C’était l’occasion de rouler avec un modèle qui me plaisait et que je voulais essayer. Nous avons alors décidé de monter un programme en Clio R3T Trophy France pour 2019. Pour bien faire les choses, j’ai fait appel à l’excellent copilote qu’est Patrick Chiappe. Nous avons connu une saison mitigée en 2019, mais nous avons trouvé un juste équilibre pour revenir sur Boris Carminati. Il nous a manqué un brin de réussite avec la météo et un problème mécanique en fin d’année, mais Boris était plus fort cette année-là. Cela nous a toutefois servi pour comprendre les différents domaines sur lesquels nous devions travailler. Le Covid est ensuite entré en scène en 2020, mais nous avons persévéré pour être fin prêts en 2021.

Quels étaient vos axes de progression ?
Je dirais que je devais surtout « apprendre à perdre ». Nous nous sommes donc focaliser uniquement sur la première place en Junior, et non la victoire absolue. Cela nous a bien réussi avec trois victoires et six podiums au général, mais surtout six succès en Junior pour obtenir le programme avec Clio Rally4. Nous avons été les plus réguliers et cela a été notre force pour décrocher le trophée. Il n’y a pas de secret : il faut s’inspirer des meilleurs. Un champion du monde comme Sébastien Ogier ne gagne pas tous les rallyes, mais il est toujours sur le podium ou très proche. J’ai réalisé que c’était l’approche à avoir et à adopter. Et cela nous a idéalement placé au championnat deux-roues motrices.

Qu’avez-vous ressenti en remportant ce titre national face à de grands noms ?
C’était indescriptible de se battre face à des pilotes du calibre de Cédric Robert, même à classes interposées. . Je me souviens de mes posters de Cédric Robert et ses Clio dans ma chambre. J’allais le voir au Rallye du Var ou encore au Lyon-Charbonnières, où ses passages au frein à main à Marchampt me fascinaient. C’était l’époque où je commençais à avoir le droit d’aller sur internet et j’étais ébloui par son pilotage et son talent. Il a aujourd’hui un peu plus de cheveux blancs, mais je suis fier et honoré d’avoir pu l’affronter ! Il y avait également Stéphane Lefebvre, un ancien pilote officiel en WRC qui venait de remporter la Coupe de France des Rallyes. J’avais des étoiles plein les yeux chaque fois que je voyais notre photo et nos noms devant eux.

Vos deux premières années avec Renault ont été marquées par un changement de génération…
Quand Clio Rally5 a été présentée au Rallye Cœur de France 2019, le coup de foudre n’a pas été immédiat tant j’étais focalisé sur ma saison. Le titre m’a échappé, mais j’ai toujours cru au destin. Je me suis dit que si l’on avait perdu, c’était pour gagner quelque chose de plus beau par la suite. Naudon Rallye Services m’a permis de trouver les moyens de poursuivre dans le trophée malgré le contexte difficle lié au Covid. Revenir dans une catégorie inférieure m’a aidé, même si la voiture n’est pas vraiment inférieure tant le châssis de Clio Rally5 est beaucoup plus exploitable plus facilement. Cela m’a rappelé mes premières années en rallye, sans oublier le turbo que j’avais découvert avec Clio R3T. J’ai été tout de suite dans le coup au Mont-Blanc. Malheureusement, le Cœur de France et une autre épreuve en Italie se sont mal passés. Je me suis alors remis en question pour me focaliser sur le fait de rester sur la route et de ne commettre aucune faute... Et cela a porté ses fruits puisque ma seule erreur a dû être de perdre trois secondes dans un champ au Cœur de France. Nous n’avons pas toujours été les plus rapides, mais nous étions les plus réguliers.

Patrick Chiappe a-t-il joué un rôle crucial dans votre évolution ?
Patrick possède une grande sagesse. On l’entend à sa voix et on le voit dans son caractère et sa personnalité charismatique. Il m’a apporté beaucoup d’expérience et de confiance. Il a su trouver les mots justes pour me rassurer dans mes prises de notes et mes premiers passages. Son rôle a été essentiel et je m’en suis vraiment rendu compte en 2020. Mon copilote d’alors était excellent et m’a beaucoup appris, mais mes titres l’an passé auraient été inconcevables sans Patrick. Même sur les caméras embarquées, on ressent que le calme règne dans l’habitacle avec un pilotage équilibré et une sérénité dans l’annonce des notes.

Quel a été le moment fort de votre campagne ?
La plus belle victoire à mes yeux est celle au Mont-Blanc, où nous avons bataillé sans cesse face à Styve Juif à coups de secondes. Ce genre de rallyes est magnifique, encore plus dans un tel cadre. C’est mon épreuve de cœur, celle que j’affectionne le plus par l’ambiance, l’atmosphère et les plateaux bien garnis. Et il me le rend bien comme cela fait trois ans que j’en repars avec un sourire jusqu’au front. Il y a eu d’autres joies, comme nos succès aux Vosges et au Cœur de France alors que notre but n’était qu’un podium. Tout s’est toujours décanté en notre faveur comme nous étions en mesure de mettre nos adversaires sous pression, sans forcément aller les chercher comme nous visions avant tout le titre chez les Juniors. Cela nous a permis d’éviter les pièges.

Y a-t-il eu un moment de doute ?
Pas vraiment ! Même quand nous avons perdu la deuxième place au Rouergue pour moins d’une seconde, nous l’avons quand même emporté chez les Juniors. Dès lors, nous savions que nous nous rapprochions de notre objectif. Styve était régulier et nous n’avions pas le droit à l’erreur avec le nouveau barème. Il ne fallait surtout pas abandonner le deuxième jour. Notre régularité a été notre force, et c’est aussi comme cela que nous avons gagné le Trophée Power Stage sans remporter la moindre Power Stage. En revanche, nous ne nous sommes jamais dit que nous allions être sacrés et nous avons abordé chaque épreuve avec la même approche, même lorsque le titre était en poche. Nous voulions tout simplement faire de notre mieux possible en Juniors.

La cerise sur le gâteau devait être le titre par équipes avec Naudon...
Ce titre me tenait vraiment à cœur. Naudon Rallye Services m’a permis de revenir en 2019, puis en 2020. Nathael Naudon est devenu un ami. Nous avons le même âge, les mêmes intérêts, mais nous savons rester sérieux. Je peux l’appeler pour préparer le prochain rallye ou pour évoquer un problème personnel. C’est une force d’être autant soudés, comme avec les mécaniciens qui m’accompagnent depuis 2019. Nous étions jeunes, nous avons fait des erreurs, mais nous avons travaillé et tout cela a payé l’an dernier. Je voulais tout donner pour aller chercher cette couronne et je remercie tous nos équipiers qui ont répondu présents pour apporter leur pierre à l’édifice. C’est aussi grâce à eux que nous roulerons avec Clio Rally4 cette année dans « notre » équipe.

Cet hiver, vous avez découvert une nouvelle surface en Clio Ice Trophy…
Quelle expérience ! C’était vraiment agréable de se retrouver sur un trophée réunissant des concurrents de tous les horizons : rallye, rallycross et circuit... Tout était nouveau pour tout le monde et nous avons pris un plaisir fou. C’était une excellente initiative, parfaite pour faire passer l’intersaison plus rapidement, qui plus est dans les décors magnifiques d’Andorre ! Je n’avais jamais roulé sur glace et ce n’est pas ma surface de prédilection comme je n’ai pas un style de pilotage « en glisse », mais j’ai réussi à progresser au fil des épreuves. C’était vraiment formateur avec des sensations incroyables et Clio Rally5 est toujours un pur régal. C’était aussi bien de commencer 2022 comme nous avons terminé 2021 et j’espère que ce troisième titre acquis avec Clio en appellera d’autres !

Comment avez-vous préparé 2022 ?
Deux jours seulement après le dénouement du Clio Trophy France Asphalte aux Cévennes, j’étais à La Rochelle pour mes premiers essais avec Clio Rally4 en vue du Rallye d’Automne. Nous avons gagné alors que j’étais tellement focalisé sur le trophée que je n’avais pas regardé les cartes que quelques jours avant le départ. J’avais vraiment hâte de piloter cette voiture, dont je voyais le rythme prometteur avec Anthony Fotia. Elle possède aussi un bruit spécifique quand elle monte dans les tours et elle me rappelle un peu l’ambiance des moteurs atmosphériques. On peut tirer dedans et se faire plaisir. Nous avons également fait le Rallye de la Côte Fleurie avec le même succès fin février. Je suis désormais impatient de la retrouver au Touquet et de travailler avec les équipes d’Alpine Racing pour aller de l’avant, me rapprocher toujours plus des avant-postes et connaître une saison 2022 encore plus belle que celle de l’an dernier !

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